• Si Beethoven était vivant ...

    On l’oublie souvent, mais l’Union Européenne a un hymne. Il s’agit d’une version très simplifiée d’une partie de l’Hymne à la joie de Ludwig Van Beethoven, la partie avec les chœurs de la 9e symphonie. Cet hymne n’a pas été choisi par hasard, mais plutôt par défaut. L’Europe ne savait que choisir comme hymne et ne voulait pas froisser la moindre nation en prenant un compositeur d’un certain pays plutôt qu’un autre. Il fallait que l’hymne représente la volonté de construction européenne sur l’idée d’une paix prolongée et que tout le monde le retienne facilement. Ainsi en 1970 l’année du bicentenaire de la naissance du grand Ludwig est née l’idée que l’Hymne à la joie pouvait être adaptée comme hymne européen. Mais on en retira les paroles pour que les non germanophones ne se sentent pas spoliés et ne voient une préférence allemande. Ainsi, Beethoven se trouve être le compositeur de l’hymne d’une Europe qui avait encore de beaux projets.

    Grand admirateur de la philosophie des Lumières et de la Révolution française en laquelle il voyait une aspiration démocratique dont il se cachait à peine (ce qui lui causa quelques soucis avec la monarchie autrichienne), Beethoven aurait totalement approuvé l’idée de la construction Européenne après le désastre humanitaire de la guerre de 1939-1945. Bien que le cadre de vie de Beethoven ait toujours été un milieu très bourgeois qui l’a entouré dès sa naissance, il était pour autant fidèle à ses convictions, quitte à quitter une soirée d’un de ses grands mécènes (Carl Lichnowsky) qui lui avait demandé de jouer pour des soldats français qui occupait la Silésie à l’époque. A la suite de quoi il lui envoya ce qui pourrait aujourd’hui être une critique de la condition sociale de l’être humain : « Prince, ce que vous êtes, vous l’êtes par le hasard de la naissance. Ce que je suis, je le suis par moi. Des princes, il y en a et il y en aura encore des milliers. Il n’y a qu’un Beethoven. » Il était aussi un inconditionnel de Napoléon Bonaparte, car il voyait en lui un grand homme d’Etat qui allait bannir la monarchie héréditaire comme forme de pouvoir. Lorsqu’il apprit que Napoléon s’auto proclama empereur et s’appropria les rênes du pouvoir sans autre forme de procès, il entra dans une de ses fureurs dont il avait le secret, prit la partition de la Symphonie Héroïque et ratura de rage la dédicace qui lui était destinée.

     

    L’idée même que l’Europe puisse se reconstruire sur l’idée d’une paix durable ne pourrait que satisfaire Beethoven. En 1972, quand l’arrangement de l’Hymne à la joie fut adoptée officiellement comme hymne européen, nul doute qu’il aurait été ravi et honoré que l’Union entière accepte sa partition pour servir de référence symbolique de la paix sur tout le continent (et même dans le monde).

     

    Cependant, s’il nous regarde de là où il est, je puis être certain d’une chose, c’est qu’il doit s’arracher les cheveux et être fort meurtri de voir cette Europe dont l’Hymne à la joie est l’un des symboles, s’enfoncer chaque jour un peu plus dans l’autoritarisme et imposer à ses peuples des décisions contre leurs volontés, car cette idée du pouvoir est totalement opposée à celle qu’il s’en est fait lors de la Révolution française. De la même façon qu’il a rayé la dédicace de Napoléon de sa Symphonie Héroïque, il est certain que Beethoven retirerait, avec une colère non moins contenue, son Hymne à la joie comme symbole d’une Europe aux dérives plus Napoléoniennes  que Beethoveniennes. 


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